- KEYNÉSIEN (SYSTÈME ÉCONOMIQUE)
- KEYNÉSIEN (SYSTÈME ÉCONOMIQUE)John Maynard Keynes (1883-1946) a été formé à l’université de Cambridge. Élève d’Alfred Marshall, il devint lui-même professeur d’économie et enseigna à King’s College. De ses nombreux ouvrages, c’est probablement le dernier, la Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie , qui est le plus important. Publiée à une époque où le monde sort péniblement de la «grande dépression» déclenchée par la crise économique de 1929 et où, dans certains pays comme l’Angleterre, le chômage est devenu permanent, la Théorie générale rompt avec l’analyse traditionnelle; elle explique pourquoi le plein-emploi n’est pas automatiquement atteint et conclut, à l’encontre des idées reçues, à la nécessité d’une intervention de l’État dans la vie économique.Dans le système économique des auteurs classiques, c’est le volume de l’emploi de la main-d’œuvre qui détermine le niveau du revenu national.Réfuté par les faits entre les deux guerres mondiales, ce système fait l’objet des critiques de Keynes, qui prend pour point de départ l’équilibre sur le marché des produits et services et sur le marché monétaire, pour aboutir au problème de l’équilibre sur le marché du travail.Par opposition au modèle classique, le schéma keynésien a attiré l’attention des spécialistes sur les situations de sous-emploi et a conclu à la nécessité d’une intervention de l’État qui, tout en sauvegardant au maximum les principes du libéralisme économique, soit de nature à mettre fin au chômage permanent. Le système keynésien a eu, de ce fait, d’importants prolongements en matière de politique économique; il a très largement influencé l’esprit des actions menées par la puissance publique dans les pays occidentaux jusque dans les années soixante-dix et contribué à faire du plein-emploi un objectif essentiel de ces interventions. Mais il a également marqué très profondément tout le développement de la théorie économique.1. Déficiences de la pensée classiqueSelon les classiques, si l’on raisonne sur une période de temps relativement courte, l’importance du stock de capital et le niveau des connaissances techniques peuvent être considérés comme donnés: le volume du produit global (Y) dépend donc uniquement du volume de l’emploi de la main-d’œuvre (N) : Y = f (N).Ce volume d’emploi dépend à son tour du comportement de l’offre et de la demande sur le marché du travail; sur ce marché, la demande de travail qui provient des entreprises est une fonction décroissante du taux de salaire réel, tandis que l’offre provenant des travailleurs est considérée comme une fonction croissante de ce même taux. En régime de concurrence, les libres variations du niveau des salaires et des prix permettent d’aboutir à un équilibre de l’offre et de la demande qui est un équilibre de plein-emploi. Lorsque cet équilibre a été réalisé, le chômage qui peut éventuellement subsister ne peut être qu’un chômage volontaire; si les travailleurs sans emploi exigeaient des salaires moins élevés, ils pourraient se faire embaucher par une entreprise; c’est donc volontairement qu’ils se retirent du marché du travail; ce ne sont pas de véritables chômeurs.Une fois l’équilibre réalisé sur le marché du travail, le volume de l’emploi détermine automatiquement le produit national, qui est un produit de plein-emploi. Celui-ci donne lieu à une distribution de revenus que les bénéficiaires dépenseront en totalité soit en achats de biens de consommation, soit en achats de biens d’investissement, le taux de l’intérêt assurant sur le marché des capitaux l’égalisation des sommes épargnées et des sommes investies. La demande globale sera donc suffisante pour absorber tous les biens et services produits (loi des «débouchés»); il ne saurait y avoir ni surproduction générale ou déficience de la demande au niveau national, ni par conséquent chômage involontaire. Aucune intervention de l’État dans la vie économique n’est donc nécessaire.2. Vue d’ensemble du système keynésienÉquilibre des produits et servicesL’équilibre sur le marché des produits et services se définit habituellement au plan national par l’égalité de l’épargne (S) et de l’investissement (I): S = I. Pour qu’il y ait équilibre, il faut, en effet, que l’offre globale de biens et services, c’est-à-dire le produit national (Y), soit égale à la demande (D) de ces mêmes biens et services: Y = D.Le produit global (Y) se compose d’une masse de biens de consommation et d’une masse de biens d’équipement qui sont offerts sur les marchés. En contrepartie de la production de ces biens, une masse de revenus est distribuée, dont le montant est égal à Y. De ces revenus, les bénéficiaires font deux parts: l’une est dépensée en achats de biens de consommation (C), l’autre est épargnée; on peut donc écrire: Y = C + S.Les sommes épargnées sont retirées de la circulation; mais, empruntant ces sommes ou utilisant des crédits bancaires, les entreprises peuvent acheter des biens d’équipement, c’est-à-dire procéder à des investissements (I). La demande globale de biens et services peut donc être représentée par la somme: D = C + I.Lorsque l’équilibre est réalisé sur le marché des biens et services, l’offre et la demande globales sont égales: Y = D, ou, ce qui revient au même: C + S = C + I. D’où l’on tire l’égalité de l’épargne et de l’investissement: S = I.Dans le système keynésien, le comportement des agents économiques, en ce qui concerne l’utilisation de leurs revenus, est décrit par une propension à consommer ou à épargner en vertu de laquelle l’épargne (S) apparaît comme une fonction croissante du revenu (Y): S = f (Y).Quant à l’investissement effectué par les entreprises, il dépend de l’efficacité marginale du capital, c’est-à-dire du rendement d’un investissement supplémentaire; en comparant ce rendement au coût financier de l’investissement matérialisé par le taux de l’intérêt, on peut déterminer les investissements qu’il est profitable d’effectuer. Il est clair que plus le taux d’intérêt pratiqué par les banques est élevé, moins nombreux sont les investissements rentables; c’est dire que l’investissement global (I) est une fonction décroissante du taux d’intérêt (i ): I = (i ).À l’équilibre, nous avons: S = I, ou S(Y) = I(i ). Cette condition d’équilibre signifie que, pour tout taux d’intérêt donné, il existe une et une seule valeur de Y pour laquelle l’épargne et l’investissement considérés a priori sont égaux et inversement. Ainsi, Y est une fonction de i et inversement. Il résulte des hypothèses posées que Y diminue lorsque i augmente; en effet, un taux d’intérêt plus haut entraîne une diminution de l’investissement et donc de l’épargne qui lui est égale; or, une épargne plus faible suppose un revenu réel moins important. On peut donc dire que Y est une fonction décroissante de i. Cette fonction est connue sous le nom de «fonction IS».Équilibre sur le marché monétaireSur le marché monétaire, que Keynes introduit explicitement dans l’analyse, l’équilibre suppose l’égalité de l’offre (M) et de la demande (L) de monnaie: M = L.Le volume (M) de l’offre de monnaie (ou la quantité de monnaie en circulation) dépend des autorités monétaires et bancaires; on peut le considérer comme donné.Quant à la demande de monnaie (L), elle dépend de la préférence pour la liquidité des agents économiques. Une distinction est introduite entre la demande de monnaie pour les transactions et le motif de précaution (L1) et la demande de monnaie pour la spéculation (L2); la première est une fonction croissante du niveau du revenu national nominal (revenu réel multiplié par niveau des prix, soit p Y); la seconde est une fonction décroissante du taux d’intérêt (i ).Une bonne approximation de l’équation de l’équilibre monétaire M = L est, dans ces conditions, donnée par:Si le niveau général des prix (p ) est supposé constant, l’offre réelle de monnaie (M/p ) est également constante pour une quantité de monnaie en circulation M donnée. La demande de monnaie pour effectuer les transactions et faire face au motif de précaution (L1) est représentée dans l’équation par k Y; elle est proportionnelle au volume du revenu global réel (Y), k étant un coefficient de proportionnalité. Quant à la demande réelle de monnaie pour la spéculation (L2 = L(i )), elle est une fonction décroissante du taux d’intérêt (i ).L’offre réelle de monnaie étant donnée, l’équation monétaire établit une nouvelle relation entre le taux d’intérêt et le revenu réel. Il résulte des hypothèses posées que i et Y varient dans le même sens, ce qui peut s’interpréter en disant que Y est une fonction croissante de i. En effet, plus le taux d’intérêt s’élève, plus la demande de monnaie pour la spéculation, L(i ), diminue; puisque l’offre réelle de monnaie (M/p ) est constante, plus de monnaie devient disponible pour assurer les transactions; pour que cette monnaie disponible soit utilisée et que l’équilibre monétaire reste assuré, il faut nécessairement que le revenu Y s’élève, un revenu plus important signifiant un plus grand nombre de transactions dans l’économie nationale. Cette relation de même sens entre le taux d’intérêt et le revenu réel est appelée «fonction LM».Équilibre sur le marché du travailOn dispose de deux équations exprimant respectivement l’équilibre sur le marché des produits et services: I(i ) = S(Y), et l’équilibre sur le marché monétaire: M/p = k Y + L(i ).Ces deux équations expriment deux relations entre le taux d’intérêt (i ) et le revenu global réel (Y). De la première, il ressort que Y est une fonction décroissante de i ; de la seconde que Y est une fonction croissante de i. La résolution du système fournit les valeurs de Y et de i pour lesquelles l’équilibre existe simultanément sur les deux marchés considérés. Le problème ne comporte qu’une solution; les deux courbes représentatives IS et LM ne se coupent, en effet, qu’en un point, soit P sur graphique.À ce point correspond sur l’abscisse une valeur du produit global Y qui est le produit ou revenu national d’équilibre. La réalisation de ce produit d’équilibre peut conduire les entreprises à embaucher un nombre de travailleurs correspondant très exactement à l’effectif de travailleurs disponibles. Dans ce cas, l’équilibre correspondra au plein-emploi sur le marché du travail. Mais cette situation est en soi exceptionnelle; il y a plus de chances pour que la coïncidence entre le volume du produit global d’équilibre et le plein-emploi ne se réalise pas, l’hypothèse la plus vraisemblable étant celle du sous-emploi.Supposons qu’en utilisant toutes les ressources en main-d’œuvre disponibles on puisse obtenir un produit global plus important que Y, soit Z. Sur le graphique, la verticale issue de Z représente la limite du plein-emploi. L’équilibre du marché des produits et du marché monétaire s’accompagne ainsi d’un déséquilibre sur le marché du travail puisque, sur ce marché, il y a un excès d’offre symbolisé par la distance YZ.La question qui se pose est de savoir si cet excès d’offre déclenchera des forces susceptibles de rétablir l’équilibre sur le marché du travail. Le niveau des prix (p ) étant donné, si la concurrence règne entre les travailleurs, ceux qui sont en surnombre feront baisser le taux de salaire nominal (s ), ce qui entraînera une réduction des salaires réels (s/p ) et une augmentation de l’emploi. Dans la perspective classique, l’équilibre se rétablira sur le marché du travail au niveau du plein-emploi.La conclusion de Keynes est différente. Il note d’abord que, dans le monde moderne, le taux de salaire nominal auquel s’intéressent les travailleurs n’est pas parfaitement flexible dans le sens de la baisse. Dans un environnement institutionnel caractérisé par la présence des syndicats dans les négociations, il existe un taux de salaire nominal considéré comme un minimum vital et au-dessous duquel aucune rémunération ne peut descendre. Si le salaire réel correspondant à ce taux est trop élevé pour que tous les travailleurs soient employés par les entreprises, la réduction requise du salaire réel (s/p ), dans l’hypothèse où s est bloqué dans le sens de la baisse, suppose une hausse du niveau général des prix (p ) et, par conséquent, un accroissement de la demande globale de biens et services. Cet accroissement ne peut être provoqué que par une intervention de l’État; il n’a pas de raison de se produire spontanément, étant donné le comportement prêté aux agents économiques en ce qui concerne l’utilisation de leurs revenus.En admettant même que la concurrence règne sur le marché du travail et que les salaires nominaux puissent baisser librement, le retour au plein-emploi ne serait pas automatiquement assuré. Si, en effet, la baisse des salaires nominaux allège les coûts de production des entreprises, elle représente en même temps une diminution de revenus pour un groupe important de consommateurs, les travailleurs. Cette diminution de revenus provoque la réduction des débouchés des entreprises, de telle sorte que les chefs d’entreprise n’ont pas de raison d’embaucher de la main-d’œuvre supplémentaire; le chômage persistera.Enfin, si les salaires et les prix continuent à baisser tant qu’il y a du chômage, les encaisses monétaires détenues par les agents économiques prendront de plus en plus de valeur, ce qui équivaudra à un accroissement de l’offre réelle de monnaie. Cette augmentation de l’offre réelle de monnaie devrait, en temps normal, faire baisser le taux d’intérêt, stimuler les investissements et provoquer la reprise de l’activité économique. Pour Keynes, cependant, si l’activité est faible et le sous-emploi important, ce mécanisme ne se déclenchera pas, car le surplus de monnaie sera absorbé par les encaisses de spéculation dès que le taux d’intérêt aura atteint une valeur critique minimale, de l’ordre de 2 %. À ce moment, l’économie sera dans la «trappe à liquidités»; aucune tendance automatique au plein-emploi ne se manifestera et un équilibre de sous-emploi s’établira d’une manière durable.On notera pour finir que, dans le modèle classique, il n’y a qu’un niveau d’équilibre possible, celui qui correspond au plein-emploi de la main-d’œuvre. Dans le système keynésien, au contraire, il y a autant de niveaux d’équilibre concevables qu’il y a de niveaux possibles de la demande globale de biens et services.3. Prolongements du système keynésienPolitiques monétaires et financièresLes pouvoirs publics peuvent principalement exercer une influence sur l’activité économique et le niveau auquel s’établit l’équilibre global en intervenant soit sur le marché monétaire, soit sur celui des produits et services. Dans le premier cas, leur action se manifeste sur une modification de la fonction LM qui décrit l’équilibre monétaire; dans le second cas, elle se traduit par un déplacement de la fonction IS qui représente l’équilibre sur le marché des biens et services. Le premier type d’action est l’objet de la politique monétaire, le second celui de la politique financière.La politique monétaire est constituée par l’ensemble des décisions et des interventions entreprises par les autorités monétaires (gouvernement et banque centrale) en vue d’agir sur l’activité économique. Le principal moyen à la disposition des autorités est la modification de l’offre nominale de monnaie (M). Mais les pouvoirs publics peuvent également s’efforcer de modifier les prévisions des agents économiques relatives à l’évolution future du taux d’intérêt; ils peuvent aussi exercer par leurs décisions une influence sur «l’état de la confiance» et les perspectives de profit des chefs d’entreprise.Dans la ligne keynésienne, la politique monétaire est généralement envisagée comme une action visant à assurer le plein-emploi. L’idée maîtresse qui domine cette politique est la suivante: toute augmentation de la quantité de monnaie en circulation (due, par exemple, à des opérations d’« open-market» sous forme d’achats de titres par la banque centrale) réduit le taux d’intérêt; tant que l’économie n’est pas dans la «trappe à liquidités», cette diminution du taux d’intérêt stimule les investissements qui, à leur tour, induisent, grâce aux distributions supplémentaires de revenus qu’ils provoquent, des dépenses nouvelles de consommation; ces dépenses additionnelles appellent une augmentation de la production et du volume de l’emploi. Mais la politique monétaire peut perdre son efficacité si, comme le soutiennent les auteurs modernes, l’investissement n’est pas sensible aux modifications du taux de l’intérêt. En ce cas, il faut recourir à la politique financière.Dans l’économie moderne, les pouvoirs publics doivent assurer une quantité de tâches que l’initiative privée n’est pas en mesure d’entreprendre: assurer la défense du pays, rendre la justice, diffuser l’enseignement et la recherche, construire des routes, des hôpitaux et des logements, etc. Ces tâches entraînent des dépenses importantes dont le financement suppose des recettes. L’État et les collectivités publiques ont donc un budget; toutes les décisions concernant les recettes et les dépenses publiques constituent la politique financière.Les décisions de politique financière influent sur le niveau du produit national; c’est ainsi qu’une augmentation des dépenses de l’État ou de la «consommation publique» provoque, toutes choses égales par ailleurs, un accroissement du produit global. Toutefois, la question se pose de savoir d’où proviennent les fonds utilisés par l’État pour acheter les biens et services nécessaires au bon fonctionnement des administrations, car le prélèvement des recettes publiques peut affecter les décisions de dépense des autres agents économiques, entreprises et ménages. Normalement, les ressources financières de l’État proviennent des impôts; mais l’État peut aussi emprunter. Or l’impôt et l’emprunt exercent une influence sur la structure des dépenses des agents économiques concernés; cette influence doit être prise en considération si l’on veut apprécier correctement l’impact des variations de la consommation publique sur le niveau du revenu global.D’une manière générale, les pouvoirs publics ont le choix entre trois grandes politiques possibles: modifier les dépenses publiques sans toucher au montant des impôts; modifier les recettes fiscales sans toucher au volume des dépenses; modifier également et simultanément les dépenses et les recettes. Chacune de ces trois politiques exerce une influence différente sur la mesure dans laquelle les administrations interviennent sur le marché des biens et services et contribuent à la détermination du niveau d’équilibre macro-économique; chacune exerce un effet différent sur l’importance de la dette publique puisque toute dépense non couverte par une recette équivalente donne lieu à un emprunt. Sur ce point on notera que, si l’État peut agir sur le niveau de l’activité économique sans déséquilibrer son budget, dans la perspective keynésienne une véritable politique financière a pour premier objectif de promouvoir une activité économique telle que tous les biens susceptibles d’être produits trouvent des acheteurs; en d’autres termes, la politique financière d’un gouvernement doit être jugée d’après les effets qu’elle exerce sur la demande globale et non pas sur l’équilibre ou le déséquilibre du budget de l’État. Or, la politique d’équilibre budgétaire, supposant une évolution égale et simultanée des recettes et des dépenses publiques, n’est pas nécessairement la plus efficace. On remarque, en outre, qu’une augmentation des dépenses publiques (à recettes fiscales constantes) est plus stimulante et a des effets « multiplicateurs » plus importants qu’une réduction des impôts d’un même montant (à dépenses publiques constantes).Soulignons encore que la politique financière peut agir sur l’activité économique par l’intermédiaire d’une modification de la répartition du revenu national. Si cette politique a pour effet de prélever une fraction importante des revenus des citoyens riches, dont la propension à consommer est faible, pour la redistribuer à des catégories sociales plus modestes dont la propension à dépenser est forte, l’action redistributive ainsi opérée stimulera les dépenses de consommation au détriment de l’épargne, développera les débouchés des entreprises et entraînera une augmentation du niveau de l’emploi. Mais il est clair que ces considérations ne sont valables que pour une économie en récession, dans laquelle les pressions inflationnistes ne sont pas trop puissantes.Les prolongements politiques du système keynésien se sont enfin manifestés en matière de relations économiques internationales. Pour relancer une activité insuffisante, il est apparu qu’il pouvait être utile de susciter un excédent de la balance commerciale en développant les exportations et en freinant les importations; cette intervention va à l’encontre du retour actuel au libéralisme des échanges; elle suppose, d’ailleurs, pour être efficace, que l’économie à laquelle elle s’applique ne soit pas trop dépendante de l’étranger pour ses approvisionnements essentiels.Progrès de l’analyse économiqueL’influence du système keynésien sur le développement de l’analyse économique s’est exercée en de très nombreux domaines. L’un des apports essentiels de Keynes est d’avoir définitivement introduit la monnaie dans les enchaînements qui conduisent l’économie vers sa position d’équilibre. On peut d’ailleurs noter que, si le schéma keynésien a mis l’accent sur les situations de sous-emploi, les instruments d’analyse forgés par l’auteur de la Théorie générale peuvent s’appliquer à l’étude des situations de plein-emploi et de sur-emploi dans lesquelles se manifeste une hausse du niveau général des prix et se posent des problèmes monétaires particulièrement délicats.Lorsque l’activité économique est telle que l’on approche de la barrière du plein-emploi, lorsque le volume de l’emploi ne peut plus pratiquement être accru, le produit global réel n’est plus, à court terme, susceptible d’être augmenté. Si, dans ces conditions, la demande globale de biens et services dépasse une offre devenue rigide dans le sens de l’expansion, l’équilibre ne peut se rétablir qu’en valeur, par une hausse du niveau général des prix. On est en présence d’un processus d’inflation par la demande. Il convient, toutefois, de souligner que, dans la réalité, les prix commencent à monter bien avant que le plein-emploi ne soit totalement réalisé dans l’ensemble de l’économie. Les autorités monétaires peuvent alors intervenir en restreignant l’offre de monnaie, ce qui fait monter le taux d’intérêt, décourage les investissements, réduit la demande globale et stoppe le processus inflationniste. Cependant, dans le monde moderne, une telle politique a peu de chances de provoquer la baisse du niveau des prix et des salaires en raison des résistances des agents économiques intéressés; elle n’est pas apte à stopper une inflation par les coûts, c’est-à-dire un mouvement de hausse dû à la pression des organisations professionnelles et syndicales et qui n’implique pas nécessairement un excès de la demande globale sur l’offre disponible.Un autre prolongement important du système keynésien résulte de l’extension de l’analyse à la longue période et à l’étude de la croissance économique. Les successeurs immédiats de Keynes, extrapolant la constatation du chômage permanent à l’évolution historique des économies développées, avaient pronostiqué l’instauration d’une ère de stagnation et de maturité économiques. Dans les années suivant la Seconde Guerre mondiale, la croissance rapide des économies occidentales a orienté les disciples de Keynes vers l’élaboration de modèles de croissance qui décrivent les conditions d’un développement régulier supposant le maintien de l’équilibre économique au niveau du plein-emploi.Mais le rayonnement de la pensée de Keynes dépasse le cercle de ceux qui se disent ses disciples. Tous les économistes modernes ont subi son influence; la théorie contemporaine est keynésienne dans la mesure où elle utilise largement l’analyse en termes de quantités globales (revenu national, investissement et épargne globale, niveau général des prix), où elle recourt à une approche monétaire, où elle élabore des modèles comportant une distinction entre des variables autonomes et des variables dépendantes. L’importance de ce rayonnement a fait du système keynésien la «révolution keynésienne».
Encyclopédie Universelle. 2012.